L’art de Paul Mondain, peintre et psychiatre
Paul Mondain est un vrai créateur qui a produit une œuvre colossale pour un autodidacte.
Une œuvre très puissante et différente des lignes habituelles, celle d’un homme libre ; il faut l’extirper des classements habituels vus dans tous les livres.
Paul Mondain n’est ni un artiste de « genre » ni de « chevalet » mais un artiste dans la noblesse de son art. Sa palette est variée, ses thèmes diversifiés.
Voici donc un ARTISTE dont l’œuvre originale traduit la force du coloriste et la puissance du portraitiste.
Esprit libre au caractère entier, on retrouve ses traits de caractère dans sa peinture puissante, franche, colorée, évocatrice, expressive et introspective … parfois explosive.
Inclassable, il est aussi l’artiste de l’imaginaire.
Mondain et ses pseudonymes
Paul Mondain, artiste peintre et médecin.
Pseudonymes : Mond’ain, Mont D’ain ou Paul Mars.
Les céramiques sont signées « Cemonde », acronyme de Cécile Mondain sa deuxième conjointe, pour « Cécile » et « Mondain »(Précision donnée par Thierry Carpe, fils de Cécile, son second fils).
Mondain / Portrait
Le contexte culturel
Paul Mondain (1905-1981), médecin-psychiatre a vécu dans la passion de son art, privilégiant la peinture à la médecine. Il a réalisé plus de cinq mille œuvres, tableaux sur isorel, sur toiles, dessins, céramiques. Une partie de celles-ci provient en ligne directe de sa famille. D’autres ont été dispersées dans des ventes ou distribuées à des amis, comme les proches de Louis-Ferdinand Céline, que Mondain a hébergé fortuitement pendant la deuxième guerre mondiale à Quimper. Dans ces années 1940, Mondain évoluait à Quimper en marge de « La petite Athènes au bord de l’Odet » (expression apportée par Céline), cercle artistique gravitant autour du salon du docteur Augustin Tuset.
L'odet
Augustin Tuset, médecin - sculpteur, était ami de longue date de Max Jacob et de Jean Moulin. Il les accueillait dans sa maison quimpéroise, 16 rue Vis, chère à Céline, et y entretenait des relations avec une pléiade d’artistes locaux, notamment avec Lionel Floch, Giovanni Leonardi, Henri Mahé, et bien d’autres encore.
Maison de Jean Tuset,
16, rue vis Quimper
Photo Dr Le Corgne
Mondain savait tout peindre. Sa culture et ses pratiques artistiques étaient très étendues et diverses, tant par leurs techniques que par leurs thématiques : dessins, très bien exécutés comme ceux qui illustrent sa thèse de doctorat de médecine, « Les fous satisfaits » (1933), avec un coup d’œil et de crayon porté sans repentir, mais encore peintures, céramiques. A ses heures, le médecin se faisait également violoncelliste et écrivain.
Une œuvre à découvrir
Son œuvre est encore méconnue, ce qui nous offre le privilège de faire découvrir un travail dont il n’aurait pas eu à rougir face à Bonnard, Matisse, Gen Paul et bien d’autres « modernes ». Gen Paul, contemporain de Mondain, s’inscrit dans un contexte proche de celui de Mondain : autodidacte et passionné de peinture, ami de Céline. Comme l’écrit Maurice Genevoix, Paul Mars ne triche pas . Il a un talent particulier, un style qu’on ne rencontre chez aucun de ses contemporains, son style. Tout son art s’exprime par la spontanéité du geste, l’unité des œuvres, l’association subtile des couleurs de la palette, le respect de la perspective, des traits et des courbes de la peinture classique ; son art ne se limite jamais à une expression strictement figurative. L’œuvre de Paul Mondain se hausse au niveau de celles des meilleurs peintres modernes.
Mondain / Immeuble
Mondain n’a jamais vécu de son art, et n’en fit guère commerce : il a beaucoup donné. Aussi généreux que modeste, malgré la hauteur de sa culture et de son talent, il a peu exposé, cédant rarement et seulement aux demandes de ses proches. Harcelé par les galeries, il n’a jamais cherché dans les salons la reconnaissance de ses pairs, des marchands d’art, ni à se mettre en valeur dans les milieux influents de l’époque. Victime d’une pulsion créatrice qui passait avant tout, il peignait pendant des centaines d’heures, en solitaire, immergé dans la nature, parfois même la nuit. Selon Lucette Destouches, « Amateur de peinture, il partait représenter la nature en pleine nuit avec ses couleurs et son chevalet. Il rentrait au matin, ravi, porteur d’un tableau entièrement noir. » ! Peindre avant tout, jour et nuit...
Mondain / Portrait
Les trois périodes
De son œuvre peinte on peut discerner trois périodes. La première débute avant les années 1930. Elle s’apparente à la manière de Van Dongen et compte surtout des portraits. De rares tableaux d’une belle maîtrise d’exécution sont encore visibles chez les descendants d’amis quimpérois de l’artiste. Des représentations relativement figuratives de paysages quimpérois et de la ville de Quimper sont de précieux vestiges de cette période.
Le fils de l'artiste
Toile
D’innombrables œuvres représentant des paysages, des compositions florales, des natures mortes et des portraits peints pendant et après la guerre constituent la deuxième période : tableaux à base figurative mais influencés par l’impressionnisme et le cubisme.
Mondain / Fleurs
Collection particulière
La richesse, la grande homogénéité de cette seconde époque de l’œuvre de Mondain est marquée par l’affirmation d’un style sans nul autre pareil.
Mondain / Paysage
Collection particulière
La dernière période de l’œuvre peinte, qui coïncide avec celle de sa fin de carrière et de sa fin de vie s’inscrit radicalement en rupture avec les précédentes représentations. Mondain ne peint plus qu’à « la chinoise » tableaux mis à plat au sol ou sur un support et pivotant sur eux-mêmes, d’inspiration franchement post-cubiste. Il ne s’inspire plus que de Picasso dont il collige des citations dans une petite brochure . Le climat de ses « Zapotecks » (Terme relatif à la tribu des zapothèques mexicains) comme il les appelle, est trouble : personnages tourmentés, thèmes déroutants, parfois sinistres, témoignant de la grande sensibilité de ce psychiatre-peintre, mais la peinture est harmonieuse, dans les teintes de bleus et de rouges.
Mondain
« Zapotecks »
Ces trois périodes de création se recouvrent en partie. Sur la fin de sa vie, si Mondain produisait des Zapotecks en grande quantité, il continuait à offrir des représentations très délicates de paysages et de fleurs, ainsi que, sans doute sur commande, des portraits purement figuratifs comme celui d’un notaire de Limoges.
Mondain / Portrait d’un notaire de Limoges
L'esprit Mondain
« La peinture de Mont D’Ain est l’effusion d’une âme scrupuleuse et sensible, inquiète aussi. Son œuvre est ainsi marquée par une lutte perpétuelle entre l’instinct et la raison.»
« La Vierge bleue, Bouderie, Au bord de l’eau, iris anglais », c’est à la fois sensibilité et intelligence, ardeur et sérénité, prodigalité et indigence raffinée. Cette dualité attachante n’est pas la moindre des singularités de l’œuvre de Mont D’Ain ». (Jacques Mourlet).
Mondain peint pour lui et ses amis, il expose peu, surtout sur demande de ses admirateurs. « L’auteur le plus sage écarte résolument la vanité de son œuvre : il donne uniquement pour donner et ne se soucie pas de savoir s’il récoltera louange ou blâme » écrit-il. Les galeries frappent vainement à sa porte. Il expose cependant sous l’occupation à Paris, Lille et surtout à Quimper, une fois à Toulouse. Il ne vend pas ses tableaux, il les donne. Il ne fait que satisfaire à sa pulsion créatrice.
Différents peintres l'inspirent, mais il ne plagie pas, sa grande culture le lui interdit. Il crée. « On ne peut plus peindre après Cézanne comme on peignait avant Cézanne ». « Voilà encore un propos de Paul Mars, à la fois modeste et honnête. Car c'est toujours à cette honnêteté-là qu'il convient de revenir. Il n'y a pas de novateurs dans l'absolu. C'est à partir d'un point donné déjà atteint, que l'on innove, si l'on est doué et si l'on se connait soit-même. Il ne peint pas "comme il peindrait si Cézanne n'avait jamais peint »; mais il le sait. Entre toutes les techniques dont chacun porte enseignement et qu'il a interrogées, il a su reconnaître celles qui l'inclinent vers ses propres dons. Sa culture est ainsi assez large pour ne plus apporter d'entraves à sa liberté personnelle, pour servir son message au lieu de la dicter rapidement et ainsi le trahir, pour se laisser d'elle-même oublier". Ainsi s'exprime Maurice Genevoix.
Mahé qui plébiscite Mondain, dont il a peint le portrait, s'exprime sur certains courants de la peinture des modernes. Son analyse n'est pas en faveur des peintres surréalistes et cubistes : « les minables provoquèrent la réaction cubiste ... Tricheurs ! Surréalistes ... Tricheurs les dadaïstes ! Tricheurs les fauves au départ, mais vite revenus aux lois immuables ; composition, dessin, harmonie ... Derain ! Frisz ! Vlaminck ...». Mahé critiquerait-il les impostures « artistiques » de certains de ses contemporains, impostures qui risquent de ne pas résister au temps ?
Si Mondain s’inspire naturellement de l’esprit artistique de son époque, il ne copie pas, il ne subit aucune mode, il exprime ce qu’il ressent, il crée son propre style cependant très inspiré de l'abstrait et, surtout sur la fin de sa vie, du cubisme.
Le processus technique
Mondain dessine, peint surtout sur Isorel - support créé en 1904, soit, un an avant sa naissance - et sur des toiles la plupart du temps anciennes et reprises, et décore des céramiques. Il fait découper à l’avance des panneaux d’Isorel de toutes dimensions, il les fait peindre en blanc et les encadre avec une baguette de section carrée en bois de 9 mm, fixée à l’aide de petits clous forgés.
Il applique ensuite sa peinture, débordant sur ce petit cadre. Si un tableau ne lui plaît pas, il passe dessus une nouvelle couche de couleur blanche et réalise une autre peinture. Les toiles sont souvent d’anciens tableaux qu’il réutilise, également encadrées par une baguette plate de quelques millimètres d’épaisseur.
Pendant la guerre, en raison de carences, il compose lui même sa peinture à l’aide de pigments. Il nous a exposé les secrets de fabrication de ses fixatifs sur des ordonnances datant de sa période limousine. S'il a utilisé les produits « LEFRANC » après la guerre, il a gardé l'habitude de faire ses propres mélanges. Selon Thierry Carpe, il utilisait du « Louzou » à base d'essence de térébenthine, d'huile de lin et de sicatif.
A Quimper, la céramique est une tradition. Les artistes peuvent acheter des supports en terre cuite, les décorer, puis les cuire à la « Faïencerie HB », comme le fait Jacques Mourlet, ami de Mondain et de Céline. Les céramiques de mondain représentent surtout des compositions abstraites, il les signe « Cemonde ».
Le Style Mondain
Faire un choix en alternant l’art médical et l’art pictural n’est pas se fondre dans un courant alternatif, comme un choix de vie, sans être soi-même dans le respect des tendances de son époque en renouant avec la tradition classique ou en fuyant les modes passagères qu’importent les tendances figuratives ou abstraites.
Il s’agit bien ici d’une aventure singulière, originale et inclassable.
Tel un grand aventurier, Paul Mondain édifie un fabuleux imaginaire. C’est une peinture très personnelle « à tempérament », qui laisse la place aux rêves les plus extraordinaires ou les plus extravagants dans le monde des possibles. Sa palette est variée, ses thèmes diversifiés.
Cette aventure singulière laisse une place prépondérante à nos interprétations, en toute liberté. Paul Mondain n’est guère un artiste de « genre ». Il se permet de nombreuses audaces dont les contrastes de lumière et d’ombre laissent planer notre curiosité.
L’artiste est constamment à la recherche de l’instantané ou de l’intemporel. Il est un homme libre, insouciant des modes et sans le poids d’impératifs commerciaux. Il se permet toutes les audaces et toutes les variétés picturales : non pas celles d’un artiste exalté mais celles d’un homme à la recherche de sa propre vérité.
Paul Mondain n’est pas un peintre de « chevalet » mais un artiste dans la noblesse de son art.
Il est inclassable, passant alternativement de l’art médical à l’art pictural. Sa sensibilité si frémissante en tire libération voire exaltation, car toujours en recherche. Pour lui, peindre c’est ajouter à la nature toutes les rêveries de son imaginaire.
Il vit donc entre deux pôles si différents : celui de la confrontation aux stress de l’art médical et à la nécessité de la création picturale, dans des thématiques différentes qui agissent comme un ferment exaltant de sa propre individualité.
Inutile de chercher des sources dans l’impressionnisme ou l’expressionnisme délirant ou encore le cubisme ; sa poésie personnelle transforme son réalisme en lyrisme puissant.
Certes, grand coloriste, ses créations peuvent être d’une vérité éclatante, qui nous surprennent, variées aux lignes soutenues dont l’imaginaire exalté permettent au visionnaire toutes interprétations.
Pour Paul Mondain, « la peinture est aussi de la poésie qui se voit sur une surface plane, avec des couleurs assemblées pour le plaisir des yeux et la satisfaction de l’esprit ». En découvrant son œuvre, je me suis souvenu de la définition que donne P. FISTER de l’expressionnisme : « cri de détresse comme un filet de lave qui se fraye un chemin, poussé par l’âme souffrante et un intense besoin de vivre ».
Voici donc un ARTISTE dont l’œuvre originale traduit la force du coloriste et la puissance du portraitiste. Faisant fi de l’académisme, du formalisme, ses personnages un rien naïfs, avec leurs yeux grands ouverts sur le monde, ses jeunes femmes dégingandées dont les corsages en larges échancrures provocatrices traduisent une forte sensibilité ; ses compositions florales, ses paysages, ses habitations villageoises … sont toujours l’œuvre du grand coloriste qu’il est.
Ses compositions témoignent d’un amour de la vie dans laquelle le dérisoire tient sans doute une place essentielle voire prépondérante.
Paul Mondain cherche à faire transparaitre les impressions de l’authenticité. Nous les intégrons sans demi-mesure. Elles pénètrent notre intimité. Il est superfétatoire de parler de l’artiste tant son œuvre s’impose à nous.
L’homme est attachant, spontané, sincère, pédagogue à ses heures. Comme son œuvre, il fait chanter les couleurs, apportant en nos cœurs le soleil de ses passions. Esprit libre au caractère entier, on retrouve ses traits de caractère dans sa peinture puissante, franche, colorée, évocatrice, expressive et introspective … parfois explosive.
Inclassable, il est aussi l’artiste de l’imaginaire. Artiste au grand cœur, dans la dualité des deux mondes, il a cherché dans sa propre vie d’artiste les chemins de la liberté, ceux-là mêmes qui pour lui mènent sans doute à la quiétude, à la félicité ou à la sagesse de son humanisme par le biais concomitant d’une recherche médicale et d’une création picturale traduisant SA VERITE et son IMAGINAIRE.
Yvon LE BIHAN, expert-muséographe, Pont-Aven